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jeudi 20 janvier 2011

Tunisie : Lugan communique

Il y a en France UN spécialiste de l’Afrique et un seul : Bernard Lugan. Je suis donc flatté de partager son point de vue, ci-dessous. Avec une seule divergence : j’écris “événement”, prof, et non “évènement” !

P. Gofman

Les graves évènements de Tunisie m’inspirent les réflexions suivantes :

 1) Certes le président Ben Ali n’était pas l’illustration de la
démocratie telle que la connaissent une trentaine de pays sur les 192
 représentés à l’ONU, certes encore, de fortes disparités sociales
 existaient en Tunisie, mais, en vingt ans, il avait réussi à transformer
 un Etat du tiers monde en un pays moderne attirant capitaux et industries, en un pôle de stabilité et de tolérance dans un univers musulman souvent  chaotique.

Des centaines de milliers de touristes venaient rechercher en
Tunisie un exotisme tempéré par une grande modernité, des milliers de
 patients s’y faisaient opérer à des coûts inférieurs et pour une même
 qualité de soins qu’en Europe, la jeunesse était scolarisée à 100%,
les femmes étaient libres et les filles ne portaient pas le voile.

 2) Aujourd’hui, tout cela est détruit. Le capital image que la Tunisie
 avait eu tant de mal à constituer est parti en fumée, les touristes
attendent d’être évacués et le pays a sombré dans le chaos. Les
 journalistes français, encore émoustillés à la seule évocation de la
« révolution des jasmins » cachent aux robots qui les lisent ou qui les
écoutent que le pays est en quasi guerre civile, que les pillages y sont
systématiques, que des voyous défoncent les portes des maisons pour piller et violer, que les honnêtes citoyens vivent dans la terreur et qu’ils
doivent se former en milices pour défendre leurs biens et assurer la
 sécurité de leurs familles.


Les mêmes nous disent doctement que le danger islamiste n’existe pas. De fait, les seuls leaders politiques qui s’expriment dans les médias français semblent être les responsables du parti communiste tunisien. Nous voilà donc rassurés…
 3) La cécité du monde journalistique français laisse pantois. Comment

 peuvent-ils oublier, ces perroquets incultes, ces lecteurs de prompteurs

 formatés, que les mêmes trémolos de joie indécente furent poussés par

 leurs aînés lors du départ du Shah en Iran et quand ils annonçaient

alors sérieusement que la relève démocratique allait contenir les mollahs

 4) Le prochain pays qui basculera sera l’Egypte et les conséquences
 seront alors incalculables. Le scénario est connu d’avance tant il est
 immuable : un président vieillissant, des émeutes populaires inévitables
 en raison de l’augmentation du prix des denrées alimentaires et de la
suicidaire démographie, une forte réaction policière montée en épingle
 par les éternels donneurs de leçons et enfin le harcèlement du pouvoir par une campagne de la presse occidentale dirigée contre la famille Moubarak accusée d’enrichissement. Et la route sera ouverte pour une
 république islamique de plus ; tout cela au nom de l’impératif  démocratique…

5) Ces tragiques évènements m’inspirent enfin un mépris renouvelé pour  la « classe politique » française. Ceux qui, il y a encore quelques
 semaines, regardaient le président Ben Ali avec les « yeux de Chimène », sont en effet les premiers à l’accabler aujourd’hui. Nos décideurs en sont tombés jusqu’à expulser de France les dignitaires de l’ancien régime tunisien qu’ils recevaient hier en leur déroulant le tapis rouge. La France a donc une nouvelle fois montré qu’elle ne soutient ses « amis » que quand ils sont forts. L’on peut être certain que la leçon sera retenue, tant au Maghreb qu’au sud du Sahara…

A l’occasion de ces évènements, nous avons appris que 600 000 Tunisiens
vivaient en France, certains médias avançant même le chiffre de 1 million. L’explication de l’attitude française réside peut-être dans ces chiffres. Pour mémoire, en 1955, un an avant la fin du protectorat français sur la Tunisie, 250 000 Européens, essentiellement Français et Italiens y étaient installés, ce qui était considéré comme insupportable par les anti-colonialistes.

 Bernard Lugan

 16 janvier 2011





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